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28 juillet 2018 6 28 /07 /juillet /2018 12:58

Il existe probablement des façons plus drôles de passer son temps que de regarder Public Sénat ou La Chaîne Parlementaire. Cependant, en plein « Benallagate », il est intéressant d’observer de près la façon dont fonctionne notre démocratie. Le Français est râleur, toujours prompt à se plaindre qu’il y a trop de ci et pas assez de ça, alors pour une fois qu’on nous propose d’assister dans une totale transparence à un exercice particulièrement révélateur de la bonne santé de notre République Française (commission d’enquête parlementaire sur des supposées vilenies commises par l’Elysée), pourquoi bouder cette chance ? On peut choisir d’aller à la plage, mais après il ne faudra pas se plaindre et gueuler que ce n’est pas la peine de voter et que de toutes façons ils sont tous pourris. Ce serait de l’antiparlementarisme primaire. Si on veut critiquer les parlementaires, au moins commençons par les admirer en action.

J’avoue que je m’attendais à un truc du genre « vu dans les séries américaines ». Il y a régulièrement des histoires qui mettent en scène, à un moment donné, une commission d’enquête du Sénat avec des types super-méchants qui torturent (psychologiquement) les malheureux qui se retrouvent face à eux. On sent que ça ne rigole pas, ceux qui sont sur la sellette se font démonter, comme les prévenus face aux avocats les plus tordus (toujours « vu dans les séries américaines »). Un sénateur américain qui siège dans une commission d’enquête, on a le sentiment (en regardant des fictions) que c’est un procureur particulièrement féroce, super préparé, qui rêve depuis au moins dix ans de se faire la personne livrée à sa vindicte. Mais les sénateurs français ne sont pas les sénateurs américains, du moins ceux « vus dans les séries ».

Le truc le plus frappant, c’est à quel point les sénateurs français s’écoutent parler. En plus ils savent qu’il y a la télé, que c’est comme Secret Story saison un quand tout le monde matait la télé-réalité histoire de savoir comment c’était. Du coup ils cabotinent. Et que je te fais des phrases à rallonge, et que je te déverse des pelletées d’imparfait du subjonctif pour montrer à quel point je maîtrise la langue française, et que je t’entraîne dans des digressions interminables pour profiter du temps de parole. Oublié le méchant sénateur ricain avec ses questions construites comme des pièges à mâchoire. Le sénateur français ne pose pas des pièges à ours, il déverse de la mélasse. Des litres de mélasse, de mélasse de questions dans laquelle tout le monde s’englue, à commencer par lui-même. Il y a tout de même Philippe Bas, qui mène les débats et semble un peu plus structuré que le troupeau dont il est l’onctueux berger, et tente de ramener ses ouailles sur le bon chemin. Ce qui donne lieu à des dialogues surréalistes :

- Vous savez comme j’aime vous entendre parler, mon cher collègue, mais je suis comptable du temps qui nous est imparti, et je vous saurai gré d’abréger vos propos.

- Ah, Monsieur le Président, je tiens à achever mes phrases et ne suis satisfait que lorsque se pose le point final !

- Et bien, mon cher collègue, pourriez-vous alors rapprocher ce point du milieu de la phrase ?

Il est sympa, Philippe Bas, et il croit bien faire, mais ce genre d’intervention, ça n’aide pas. L’autre est encore plus égaré, encore plus désorienté, on aurait dû le laisser se démerder avec son point final. Maintenant il se noie carrément dans toute la mélasse qu’il a déversée, Philippe Bas soupire, comprend qu’il aurait mieux fait de prendre son mal en patience, parce que là, plus personne ne sait quelles sont les questions, s’il y a des questions, si des réponses sont demandées. Le seul qui jubile (intérieurement), c’est le gars sur la sellette. Lui aussi il doit regarder les séries américaines, et il flippait depuis des jours, mais désormais on voit bien qu’il est rassuré, qu’il réalise qu’il n’y aura pas de piège à mâchoires pour lui chopper la jambe, et il se pourlèche de toute cette mélasse dont il a été arrosé.

- Si je comprends bien, il y a quatre sous-questions dans votre question.

Soulagement de Philippe Bas, ravi de constater que quelqu’un a pigé quelque chose, en plus le premier intéressé, c’est royal ! Ravissement du grand maître de l’imparfait du subjonctif, qui songe « quatre sous-questions en une seule tirade, je suis vraiment bon ! » Joie de l’homme interrogé, Directeur général de la Police, Directeur de cabinet de l’Elysée, Préfet de Police de Paris, peu importe, toutes les séances qui se suivent sont bâties sur le même modèle. Les hauts fonctionnaires de l’Etat arrivent, entraînés comme James Buster Douglas le jour où il est monté sur le ring face à Mike Tyson ; persuadés qu’ils jouent leur peau. Précision pour ceux qui ne sont pas des amateurs de boxe, Buster Douglas était donné archi-perdant face au plus terrifiant épouvantail qui ait jamais existé en catégorie poids lourd. Du coup il s’est entraîné comme il ne l’avait jamais fait (et ne le fera plus jamais). Sûr de sa victoire, l’autre n’a rien foutu. Et il s’est fait défoncer pendant tout le combat jusqu’à se retrouver KO. Les hauts fonctionnaires convoqués par la commission d’enquête sont tous des James Buster Douglas, en plus talentueux. Les sénateurs ne sont pas des Mike Tyson, juste des tocards qui se prennent pour Mike Tyson.

Les hauts fonctionnaires répondent aux questions qu’ils ont choisis de discerner dans la bouillie verbale qui a précédé. Qui oserait les reprendre ? Qui pourrait prétendre avoir compris quoi que ce soit à ces péroraisons pédantes ? Evidemment les réponses ont été travaillées, tout tombe au cordeau, tout s’emboîte merveilleusement. Vous croyez que j’exagère ? Juste une petite scène afin de prouver que non : Un des hommes questionnés évoque la sanction qui a frappé Benalla (la sévère mise à pied de quinze jours, une peine qui fait trembler les plus endurcis), et déclare que c’est une deuxième faute, postérieure aux événements du 1er Mai, qui a entraîné son licenciement. N’importe quel vulgum pecus (comme votre serviteur) qui a subi la médiatisation de l’affaire sait de quoi il s’agit ; le recel des enregistrements vidéo fournis par les « copains malsains » de la Police. N’importe quel vulgum pecus, oui, mais les sénateurs de la commission d’enquête, non. La phrase entraîne un remue-ménage impressionnant. Ceux qui commençaient à s’assoupir se réveillent (les sénateurs qui roupillent en séance, ce n’est pas une caricature), les autres poussent, littéralement, des cris d’orfraie.

- C’est important ! C’est crucial ! C’est explosif !

- Une révélation ! Vous nous faites une révélation !

Le tumulte s’empare de la noble assemblée. On sent qu’ils pensent tous avoir mis la main sur quelque chose d’énorme, et que plus tard ils pourront dire : « J’y étais ! Le jour où nous avons fait tomber la présidence, j’y étais ! » Mais le haut fonctionnaire se répète, calmement, en articulant bien comme s’il s’adressait à des mal-comprenant. Peu à peu les sénateurs réalisent, désappointés, qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Une partie d’entre eux retournent à leur sieste.

On pourrait espérer que les députés sont des parlementaires plus efficaces que les sénateurs. Après tout, ils sont jeunes, ce ne sont pas tous des notables assoupis par des décennies à ronronner sous les ors de la République. Certes, ils sont agressifs, ils ne possèdent pas la rondeur des sénateurs. Mais leur médiocrité est aussi accablante. Ils digressent non pour s’écouter parler, mais pour régler leurs comptes, pour s’invectiver d’un camp à l’autre, pour se balancer des propos fielleux. Lorsqu’on en vient aux questions, elles sont plus concises et compréhensibles, mais toujours aussi peu pertinentes. Chaque député semble n’avoir à sa disposition qu’un lot restreint de questions, un lot très restreint. Il pose sempiternellement les mêmes, pas gêné par le fait que la réponse ait été donnée dix fois. Sait-on jamais, l’individu interrogé pourrait se contredire. Et à tous ceux qui défilent, il pose ses questions, voire SA question, dont on imagine qu’il l’a peaufinée pendant des jours, pareil à un prof à l’oral du BAC qui ne proposerait qu’un sujet. Pas besoin d’antisèches, il suffit de demander au pote qui vient de passer : « Sur quoi t’es tombé ?» Le pire, c’est lorsque ces questions s’intéressent à l’état d’esprit de la personne interrogée, comme ces JT où le présentateur ne sait que demander : « Quelle est l’ambiance ? »

Parfois il n’y a rien, juste un commentaire, une réflexion ; une pensée… Eux-aussi, comme leurs potes du Sénat, doivent se souvenir de Secret Story et se dire que la France les regarde. Ils sont au théâtre, ils ont oublié quel était le but de la commission d’enquête. Parfois un de ceux qu’ils « interrogent » le leur rappelle. Un colonel de Gendarmerie responsable de la sécurité de l’Elysée :

- Je veux bien répondre à une question, mais je n’ai pas à me prononcer sur vos commentaires.

La plupart du temps, leurs digressions sont ignorées, pour ne pas dire méprisées. Comme le léchage de cul du Fayot Eric Ciotti, qui ne peut pas voir un gradé de la Police ou de la Gendarmerie sans passer dix bonnes minutes à glorifier les forces de sécurité, à dire combien il les aime, les respecte, souffre de devoir les importuner, mais c’est ainsi, et nous savons tous ce qui nous vaut cette épreuve, n’est-ce pas ? En face, ils font ceux qui n’ont rien entendu, ils sont toujours aussi froids, aussi précis, aussi chirurgicaux. Pauvre Ciotti. On dirait un de ces clébards trop affectueux qui emmerde tout le monde en venant baver sur les pantalons et les jupes des invités, et qu’on se retient de chasser à coups de pompe dans le cul pour ne pas peiner la maîtresse de maison.

Finalement, on en revient à la case antiparlementarisme, après avoir bien perdu son temps. Ceux qui râlent qu’ils n’iront pas voter pour un guignol se trompent-ils ? J’aurais tellement voulu voir ne serait-ce qu’un parlementaire comme ceux des séries américaines, un qui sait pourquoi il est là, qui fait le boulot, qui le fait bien et ne pense pas à jouer au malin devant les caméras. Mais peut-être ce genre de personnage n’existe-t-il que dans les fictions, comme les super-héros. La vraie vie est plus terne, ses protagonistes plus médiocres. Sans doute nos parlementaires sont-ils le reflet de notre société, alors ne les accablons pas. Et puis ils ont le mérite d’exister. Le jour où ils ne seront plus là, c’est que la démocratie aura disparu. Rien que pour cette raison, faisons l’effort de les apprécier.

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24 juillet 2018 2 24 /07 /juillet /2018 19:12

Lorsque la Coupe du Monde de Football s’est achevée, il était difficile d’imaginer que nous entendrions, très rapidement, prononcer un nom par les media plus souvent que ceux des joueurs de l’équipe de France victorieuse. Pourtant cela n’a pas traîné. Alexandre Benalla est évoqué sur les ondes et dans les journaux dix fois plus que Paul Pogba ou Antoine Griezman, sa tête est plus connue que celle de Benjamin Pavard. Bientôt, il aura sa chanson, comme N’Golo Kanté. Donc personne n’ignore de quoi il s’est rendu coupable, les images de ses violences passant en boucle sur les chaînes d’information à longueur de journée.

Si l’affaire n’était pas aussi déplorable, on pourrait presque s’amuser de la tartufferie de ses contempteurs. La droite et le PS pourfendent la milice présidentielle, les barbouzes lâchés dans les rues de Paris, la police parallèle. Rappelons que les deux hommes politiques quasiment déifiés par la droite et le PS sont Charles De Gaulle et François Mitterrand. Au premier, on doit le Service d’Action Civique, en gros des hordes de « super-Benalla » qui faisaient bien plus que distribuer des coups de poing, et dont les méfaits n’ont pris fin qu’après l’effroyable tuerie d’Auriol. Au second on doit la cellule élyséenne du « super-gendarme » Christian Prouteau, coupable de falsifications de preuves pour coller sur le dos des Irlandais de Vincennes une accusation de terrorisme, et de mise en place d’écoutes téléphoniques illégales sur 150 personnes afin de satisfaire les désirs du monarque élyséen. Emmanuel Macron cherche peut-être à s’inspirer de ces deux grandes figures tutélaires, mais on peut dire qu’il lui reste du chemin à faire ; ou que la démocratie a progressé, si l’on préfère.

La palme de la tartufferie revient tout de même à la chaîne américaine CNN, qui diffuse les images de Benalla en action, en prenant soin d’avertir les téléspectateurs les plus sensibles que la violence pourrait les choquer. C’est vrai que dans un pays tel que les Etats-Unis d’Amérique, les gens sont peu accoutumés à des scènes pareilles. Les forces de l’ordre sont réputées pour leur flegme et leur patience, et il est bien connu qu’on peut les bombarder de bouteilles ramassées sur les terrasses des cafés sans risquer autre chose qu’un regard noir ou un sermon moralisateur. Il suffit d’ailleurs de comparer la vidéo du déchainement de violence de Benalla à celle de l’arrestation de Rodney King, qui montre un groupe de policiers tout en retenue, contrôle et modération, pour comprendre que les mises en garde de CNN s’imposent. Hommage soit rendu aux Parisiens, qui restent calmes malgré cette vidéo qui passe en boucle, alors que les habitants de Los Angeles s’étaient montrés plus nerveux ; mais peut-être CNN avait-elle à l’époque omis de mettre en garde les téléspectateurs.

Donc les gros bras échappant au contrôle républicain des forces de l’ordre officielles, les barbouzes qui font du renseignement en parallèle et rendent compte à Dieu (à savoir le président de la République dans le système démocratique français) sait qui, tout cela n’est guère nouveau. La nouveauté, le « modernisme macronnien », se situe ailleurs. Alexandre Benalla est l’incarnation d’un concept macronnien (d’une macronnerie, donc) fondamental. J’en avais eu la révélation lorsque j’avais vu notre président, alors jeune ministre sous le règne de François Hollande, invité par Bourdin. Citant en exemple la restauration, Emmanuel Macron avait déclaré : « Ce qui est formidable, Monsieur Bourdin, c’est que demain vous et moi nous pouvons ouvrir un restaurant. Entreprendre. Pourquoi ce qui est limité au domaine de la restauration ne pourrait pas s’étendre à d’autres domaines ? »

On touchait là au cœur de la macronnerie. Les énergies sont bridées par des carcans qui les empêchent de se déployer. Brisons ces carcans et vous allez voir ce que vous allez voir. Ubérisons ! L’envie, l’ambition, la volonté sont les moteurs de la société. Si rien de fâcheux, de vieillot, d’obsolète ne les arrête, alors l’avenir sera radieux.

Comme je le disais plus haut, Benalla est aussi célèbre maintenant que Saint-Didier (Deschamps), et l’on sait que l’envie, l’ambition et la volonté font partie de ses qualités. On le dépeint débrouillard, malin, ne rechignant pas à la tâche. Des éléments nécessaires pour réussir. Le problème, c’est que dans le concept macronnien, ils sont non seulement nécessaires mais aussi suffisants. La République française s’est beaucoup construite sur l’idée qu’il fallait pour s’élever franchir certains obstacles, passer certains rites initiatiques qui se nomment concours, épreuves, carrière. On appelle ça la « méritocratie ». Nous nous sommes accoutumés à l’idée que celui ou celle qui est bon dans son métier est nécessairement poussé par l’envie, l’ambition et la volonté, mais qu’il a dû en passer par la sélection, la formation et l’exercice des responsabilités.

Alexandre Benalla n’a pas été sélectionné, si ce n’est par le copinage. Il n’a jamais été formé, ou sur le tas, ou très mal lorsqu’on voit le résultat, et certainement pas aux fonctions importantes auxquelles on semblait le destiner. Quant aux responsabilités, il ignore manifestement de quoi il s’agit. C’est une macronnerie, un gâchis. Faire une carrière dans la Police ou la Gendarmerie demande du temps, des efforts que sanctionnent des concours, une expérience qui s’acquiert sur le terrain et par la transmission ; cela implique des responsabilités, des contraintes légales dont la transgression peut s’accompagner de conséquences lourdes. Au bout d’une vingtaine ou une trentaine d’années, ce parcours peut forger des gens capables, à qui il est légitime et judicieux de confier un rôle important.

On apprend qu’Alexandre Benalla devait organiser la fusion des services chargés de la protection du Président de la République, concevoir le futur système destiné à préserver le premier personnage de l’Etat. A 26 ans. Avec pour tout bagage son expérience de gorille dans les meetings du PS, et pour toute préparation à cette tâche complexe des bagarres dans les manifestations. La cellule élyséenne de Prouteau s’est rendue coupable de « barbouzeries », mais au moins ses membres venaient du GIGN. Quant aux affreux du SAC, De Gaulle n’aurait certainement pas eu l’idée de leur confier autre chose que des basses besognes.

Mais Emmanuel Macron rêve d’une France moderne, aux énergies libérées des vieilles chaînes rouillées et poussiéreuses. Il fait d’un jeune homme sans qualifications un lieutenant-colonel de réserve de la Gendarmerie, l’absout de toute hiérarchie, lui donne tous les pouvoirs lorsqu’il s’agit de sa protection. L’empereur romain Caligula avait bien conféré à son cheval le titre de sénateur. Mais Caligula avait agi ainsi surtout pour humilier le Sénat. Ce qui est dramatique dans le cas d’Emmanuel Macron, c’est qu’il croyait vraiment que le cheval serait capable de légiférer ; et sûrement mieux que les vieilles badernes qui faisaient le job avant lui. Heureusement pour nous, les chevaux sont des animaux nerveux, une mouche peut révéler soudain leur caractère ombrageux et instable. Sans cela, nous aurions pu nous retrouver pendant des années à écouter les hennissements des sénateurs de la nouvelle République française.             

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29 mars 2018 4 29 /03 /mars /2018 19:13

Une des conséquences des obsèques nationales, cérémonieuses et médiatisées du colonel Arnaud Beltrame aura été la prise de conscience que, de mon point de vue tout au moins, nous sommes bien en guerre. Longtemps le terme m’a agacé. Essayez de l’utiliser auprès de survivants de la deuxième guerre mondiale (mes parents par exemple) ou de rescapés de l’actuelle boucherie syrienne, vous aurez l’air d’un quidam enrhumé qui déclare à un ami atteint du cancer du pancréas « Moi aussi je suis malade ! »

La façon dont nombre de politiques tentaient d’utiliser le terme ne faisait que renforcer mes réticences ; surtout lorsqu’il s’agissait de l’absurde « guerre au terrorisme » née au début du siècle après l’attentat du World Trade Center. Le terrorisme est un moyen, une méthode éventuellement utilisée par un ennemi, pas l’ennemi lui-même. Parler de « faire la guerre au terrorisme » est aussi ridicule que de « faire la guerre au semtex », « faire la guerre à l’artillerie de 155 mm » ou « faire la guerre aux drones armés ». L’intérêt de cette formule très prisée est d’éviter de désigner l’ennemi. Dans certains cas peut-être s’agit-il de ne pas froisser certaines susceptibilités. J’ai le sentiment que longtemps on n’a pas osé dire islamisme politique radical, une mouvance dont font partie Al-Qaida, l’Etat islamique et leurs « franchises ». Cette réticence est depuis longtemps dépassée, il suffit de comparer les discours respectifs de François Hollande après les attentats de novembre 2015 (dans lequel les mots islam, islamisme et musulmans n’existent pas) et d’Emmanuel Macron en hommage à Arnaud Beltrame.

Mais la « guerre au terrorisme » peut servir à masquer autre chose. Cette formule, dans la bouche des dictateurs, est bien pratique. Un Erdogan qui fait la guerre au terrorisme est plus présentable qu’un Erdogan qui veut se débarrasser du problème kurde. Si Poutine parle de lancer la guerre contre le terrorisme dans le Donbass, il faut traduire ses propos par : « J’ai avalé la Crimée, mais un morceau d’Ukraine pour le dessert, ça serait pas mal. » Souhaitons pour les Ouïghours que Pékin ne parte pas en guerre contre le terrorisme dans le Turkestan, parce que cela pourrait signifier pour eux une campagne d’épuration ethnique.  

Donc le terme guerre a tendance à être galvaudé. Mais en prenant du recul, je dirais que chaque époque et chaque peuple ont leurs guerres. En ce qui concerne la France, les guerres de conquête coloniale n’ont rien à voir avec le conflit franco-prussien. La seconde guerre mondiale était différente de la der des ders, et les guerres de décolonisation furent encore autre chose. Maintenant, nous en sommes à un autre type de guerre. On entend parler de conflit asymétrique, de choc des civilisations, mais il est bien difficile de mettre un nom sur cet affrontement d’un nouveau genre. Les camps sont bien identifiés, quoiqu’on puisse entendre parfois. Nous sommes d’un côté (La France, et ses alliés, européens et américains), les groupes islamistes radicaux violents de l’autre. Ce point-là est clair, c’est tout le reste qui est flou.

Les armées qui s’affrontent sont floues : les combattants n’ont pas de nation (ils peuvent être Français et combattre la France), pas d’âge (des enfants peuvent être victimes des attentats et des bombes, ou servir à commettre des attentats), pas de sexe (femmes et hommes, en armes ou victimes des armes). La ligne de front est floue : elle est dans un village français, en Irak, au Mali, à Paris, en Syrie. Les moyens d’action sont incroyablement disparates : avions de chasse et bombes guidées, couteau, camion bélier, hélicoptère de combat, kalachnikov, bombonnes de gaz et sacs de clous. Mais plus les événements se succèdent, plus on contemple leur déroulement, plus il devient évident qu’il s’agit bien d’une guerre. Comme toute guerre, elle a ses héros et ses martyrs, et la terrible litanie de leurs morts spectaculaires est en train de la structurer, de lui donner un cadre, de la définir en tant que guerre.

Jusqu’ici chaque camp présentait ses martyrs. L’Etat islamique et Al-Qaida définissent ainsi tout combattant mort pour leur cause. Leurs martyrs sont en général des individus qui finissent en kamikazes après avoir tué le plus possible. La notion de martyr est un des axes de la propagande islamiste radicale. Face à cela, nos martyrs étaient des victimes, des civils tombés sous les balles, écrasés par des véhicules, égorgés comme le père Hamel.

J’ai toujours été frappé par l’angle adopté par nos média, la présentation des faits, le discours subliminal. Nos martyrs sont toujours des gens pacifiques, presque étrangers à cette guerre dont on nous rebat pourtant les oreilles, des innocents au sens précis du terme. Cela est exact pour nombre des victimes des attentats islamistes, mais depuis le début de la guerre, puisqu’il s’agit d’une guerre, il ne manque pas de soldats morts au combat ou morts parce que spécifiquement visés ; des combattants. Ceux-là n’ont jamais été présentés comme l’ennemi présente ses morts. Notre conception du martyr est différente ; notre conception du martyr est héritée de la Rome antique et des chrétiens livrés aux lions. Nos soldats, contrairement à ceux de l’Etat islamique, font juste leur job ; ils mettent leur vie en jeu, et lorsqu’ils la perdent, il s’agit des risques du métier. En termes de communication, nous étions battus à plates coutures. Face à un panthéon de guerriers-martyrs glorifiés par leur camp, nous n’avions que des victimes-martyrs à opposer (nos soldats étant mis entre parenthèses, puisqu’ils font leur métier de soldats, lâchent des bombes depuis leurs Mirages et leurs Rafales, patrouillent devant les lieux publics et « neutralisent » le cas échéant des individus menaçants). Nous étions un camp de moutons face à un camp de loups. Et puis nous avons découvert que nous pouvions avoir des héros.

Dans notre inconscient collectif, ce qui rapproche le héros du martyr, c’est leur destin tragique ; ce qui les différencie, c’est que celui-ci est une victime passive (quasiment consentante du fait de l’héritage de la martyrologie chrétienne) et que celui-là est agissant. On peut penser ce qu’on veut d’Emmanuel Macron (et je n’en pense pas toujours du bien), mais il faut lui reconnaître une capacité à analyser une situation, la comprendre et savoir utiliser les mots justes pour la définir. Lorsqu’il dit en parlant du colonel Beltrame « un homme s’est levé », il embrasse tout d’une courte phrase. La nouveauté, c’est l’action, l’action éminemment courageuse de l’homme qui a succombé à un destin tragique. Arnaud Beltrame ne se rajoute pas à la longue liste des martyrs ; il est le premier héros de cette guerre.

D’autres soldats que lui sont tombés, au Levant, au Mali, sur le sol français. D’autres soldats que lui ont fait preuve de courage. Mais cet homme est allé tellement au-delà des sacrifices qui sont demandés aux militaires, en échangeant sa vie contre celle d’un otage, qu’il faut bien lui trouver un qualificatif exceptionnel. S’il n’avait pas agi comme il l’a fait, personne n’aurait fustigé son comportement ; personne n’aurait rien remarqué. Les soldats qui vont risquer leur existence au combat parce que telle est leur mission sont courageux. Un homme comme le colonel Beltrame, qui s’invente lui-même une mission parce qu’il décèle une possibilité de sauver une vie en mettant la sienne en péril, est héroïque.

Maintenant cette guerre a créé des martyrs et au moins un héros. Entre les martyrs proclamés par l’Etat islamique et Arnaud Beltrame, le seul point commun est de n’avoir pas eu peur d’affronter la mort. Les uns ont fait peu de cas de leur propre vie parce qu’ils n’accordaient aucune valeur à la vie. L’autre a risqué sa propre vie parce que la vie était pour lui d’une valeur inestimable, et qu’il était prêt à tout pour sauver quelqu’un. Même si j’aime la formule d’Emmanuel Macron parlant du colonel Beltrame, je pense qu’il est un peu inexact de dire qu’un homme s’est levé. Cet homme-là, Arnaud Beltrame, a toujours été debout. Nos regards se sont simplement tournés vers lui. C’est ainsi que naissent les héros, lorsqu’une société commence à voir ceux qui se tiennent debout.      

 

 

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16 mars 2017 4 16 /03 /mars /2017 20:38

Jamais je n’aurais cru qu’une campagne présidentielle m’amènerait à tant relire Molière. Mais un des membres du casting nous gâte, et à lui seul il est en train d’enfiler successivement les costumes de tous les grands rôles.

Ceux qui ont des enfants d’âge adulte me comprendront. Si quelqu’un raconte qu’il a réussi à se faire rétrocéder par ses gamins enfin en état de bosser les trois quarts de leur paye aux fins de rembourser ici les frais d’un mariage, là des loyers et de l’argent de poche, il n’existe que deux possibilités :

- Ou bien il se moque du monde, et pourquoi s’en priverait-il d’ailleurs, lorsque près d’un cinquième de l’électorat se dit toujours convaincu de voter pour lui ? (Comme il le dit si bien lui-même : « Et alors ? »)

- Ou bien c’est un vrai pingre, un rapiat de compétition avec des doigts en crocs de boucher, du genre à noter dans un petit carnet : le 20/08/2007, ai donné un billet de 50 pour une sortie du fils avec des potes ; remboursable sur le premier futur salaire, avec intérêts courants de 1,25% l’an. Des pinces de ce calibre-là, il n’y en a pas tant dans l’Histoire. Un dans la littérature, en tous cas, le célèbre Avare de Molière. Après Tartuffion, voici Harpaillon l’avaricieux. Après les alexandrins, la prose. Qui, en la remaniant un peu, pourrait donner ceci :

 

Acte I, scène 4

Harpaillon_ Je vous l’ai dit vingt fois, mon fils, toutes vos manières me déplaisent fort : vous donnez furieusement dans le marquis, et pour aller ainsi vêtu, il faut bien que vous me dérobiez.

Charlante_ Hé ! Comment vous dérober ?

Harpaillon_ Que sais-je ? Où pouvez-vous donc prendre de quoi entretenir l’état que vous portez ?

Charlante_ Moi, mon père ? C’est que je joue, et comme je suis fort heureux, je mets sur moi tout l’argent que je gagne.

Harpaillon_ C’est fort mal fait. Si vous êtes heureux au jeu, vous devriez en profiter et mettre à honnête intérêt l’argent que vous gagnez, afin de me rembourser un jour des dépenses que m’a occasionné votre éducation. Il est bien nécessaire d’employer de l’argent à des costumes, lorsque l’on peut en porter offerts par des amis, et qui ne coûtent rien !

Charlante_ Vous avez raison.

 

Acte I, scène 5

Harpaillon_ C’est une occasion qu’il faut vite prendre aux cheveux. Je trouve ici un avantage qu’ailleurs je ne trouverais pas. Ils s’engagent à se marier avec remboursement.

Valère_ Avec remboursement ?

Harpaillon_ Oui.

Valère_ Ah je ne dis plus rien. Voyez-vous, voilà une raison tout à fait convaincante, il faut se rendre à cela.

Harpaillon_ C’est pour moi une épargne tout à fait considérable.

Valère_ Assurément, cela ne reçoit point de contradiction. Il est vrai que votre fille vous peut représenter que le mariage est une plus grande affaire qu’on ne peut croire.

Harpaillon_ Avec remboursement !

Valère_ Vous avez raison. Voilà qui décide de tout, cela s’entend. Il y a des gens qui pourraient vous dire qu’en de telles occasions le bonheur d’une fille est une chose, sans doute, où l’on doit avoir de l’égard.

Harpaillon_ Avec remboursement !

Valère_ Ah, il n’y a pas de réplique à ça, on le sait bien ! Qui diantre peut aller contre ? Ce n’est pas qu’il n’y ait quantité de pères qui n’aimeraient pas mieux ménager la satisfaction de leurs filles que l’argent qu’ils pourraient donner.

Harpaillon_ Avec remboursement !

Valère_ Il est vrai. Cela ferme la bouche à tout : avec remboursement ! Le moyen de résister à une raison comme celle-là ?

 

Acte IV, scène 5

Charlante_ Je vous demande pardon, mon père, de l’emportement que j’ai fait paraître.

Harpaillon_ Cela n’est rien.

Charlante_ Je vous assure que j’en ai tous les regrets du monde.

Harpaillon_ Et moi, j’ai toutes les joies du monde de te voir raisonnable.

Charlante_ Quelle bonté à vous d’oublier si vite ma faute !

Harpaillon_ On oublie aisément les fautes des enfants lorsqu’ils rentrent dans leur devoir.

Charlante_ Ah, mon père, je ne vous demande plus rien, et c’est m’avoir donné assez que de m’avoir donné mes loyers et mon argent de poche !

Harpaillon_ Comment ?

Charlante_ Je dis, mon père, que je suis trop content de vous, et que je trouve toutes choses dans la bonté que vous avez de m’accorder ce pécule.

Harpaillon_ Qui est-ce qui te parle de te l’accorder ?

Charlante_ Vous, mon père.

Harpaillon_ Moi ?

Charlante_ Sans doute.

Harpaillon_ Comment ? C’est toi qui as promis de rembourser !

Charlante_ Moi, rembourser ?

Harpaillon_ Oui.

Charlante_ Point du tout !

Harpaillon_ Quoi ! Pendard, rembourse derechef, sur tes émoluments d’attaché parlementaire ! La raison voudrait que le tout me revienne, mais je t’en laisse un quart, par pure bonté d’âme !

 

Quel personnage du grand Molière notre candidat à la présidentielle va-t-il bientôt incarner ? Quelle autre pièce verrons-nous rejouer ? Peu de chances qu’il s’agisse des « Précieuses ridicules » ou des « Femmes savantes », mais il nous reste encore quelques semaines pour espérer assister au « Bourgeois de la Sarthe Gentilhomme », au « Malade du pouvoir imaginaire » ou aux « Fourberies de Scapillon ».

Croisons les doigts.

 

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22 février 2017 3 22 /02 /février /2017 19:25

Les racines du mot « hypocrite » sont grecques (hypocritês, l’acteur) et latines (hypocrita, le mime). L’hypocrite est donc un comédien. Il déguise ses sentiments, feint d’éprouver autre chose que ce qu’il ressent.

Tartuffe est un mot qui vient de l’italien Tartufo (la truffe), surnom d’un personnage de la Comedia d’el Arte, qui devint au début du XVIIème siècle une insulte. Il est difficile d’ailleurs de préciser le sens exact de cette injure, les indices provenant de cette époque lointaine étant insuffisants. C’est la pièce de Molière qui donne, en 1664, une vraie définition au Tartuffe : hypocrite à la dévotion affectée. Le mot a dû d’autant plus aisément trouver sa place dans la langue française qu’il se rapproche phonétiquement des anciens trufeur (trompeur), truferie (tromperie) et trufer (tromper), qui remontent au Moyen-Age.

Ce serait une erreur de considérer que la tartufferie est une simple hypocrisie. Il y a dans la politesse une certaine dose d’hypocrisie, et la politesse est appréciée tandis que la tartufferie semble odieuse. Tout est question de degré. Qui ne s’est pas émerveillé devant la beauté d’un enfançon tout en songeant « qu’il est moche, le niard », qui ne s’est pas confondu en remerciements devant un cadeau tout en pestant intérieurement « ils ne sont vraiment pas foulés ». Un peu d’hypocrisie est un excellent lubrifiant pour les rouages de la vie en société ; trop d’hypocrisie les fait patiner.

La politesse est une hypocrisie bienveillante. Elle est le contraire du cynisme. La tartufferie est une hypocrisie malveillante. Elle ne vise pas à préserver autrui, elle vise à le berner, le duper, et ceci dans les grandes largeurs. L’homme poli joue un rôle pour ménager son interlocuteur, pour éviter de le blesser ou de le choquer. L’hypocrite est un acteur polymorphe ; il trompe, mais pas forcément pour nuire. Il se soucie surtout de lui-même, s’efforce de paraître à son avantage avec peu de considération pour la bonne foi des autres qu’il enfume sans scrupules, mais sans automatiquement vouloir leur faire du tort. Le Tartuffe, c’est le degré supérieur. Le personnage qu’il se construit ne varie pas au gré des vents. Il est bétonné. Il est farci de principes rigides, affirmés haut et fort, urbi et orbi. Le Tartuffe est un personnage du théâtre antique, affublé d’un masque exprimant une unique émotion ; un personnage droit dans ses bottes. Et ce qui caractérise définitivement le Tartuffe, c’est que la réalité de son caractère est diamétralement opposée à la façade qu’il expose.

Le Tartuffe de Molière, bigot austère et moralisateur, infatigable contempteur des comportements lascifs, est en réalité un homme lubrique que l’adultère ne dérangerait pas. Molière était décidément un observateur exceptionnel de la nature humaine. Sa pièce n’a pas vieilli, on voit régulièrement surgir un Tartuffe : télévangéliste larmoyant qui se trouve contraint d’avouer qu’il a trompé sa femme après des années passées à pourfendre à l’écran le relâchement des mœurs ; gourou chantre de l’ascétisme et de l’abstinence qui passe son temps à essayer d’abuser sexuellement ses disciples ; taliban impitoyable prompt à lapider les femmes soupçonnées d’adultère, et violeur en série couvrant ses méfaits par des successions de mariages éclairs suivis de divorces éclairs (sans le consentement de la victime, bien sûr)

L’origine du mot étant fortement attachée à la pièce de Molière, la duplicité d’un Tartuffe est en général associée au sexe. Un Tartuffe, ce serait DSK déguisé en curé traditionnaliste. C’est pourquoi, afin d’étendre le champ de la tartufferie, je propose la création d’un nouveau mot : Tartuffion.

Le Tartuffion est à l’argent ce que le Tartuffe est au sexe. Imaginez un homme d’apparence sévère, avec la componction et la tristesse d’un croque-mort, qui annonce doctement : le pays est ruiné ; ruiné par ceux qui ont puisé sans vergogne dans les deniers publics (fonctionnaires et autres gaspilleurs). Le temps est venu d’être strict, dur ; le temps est venu de compter chaque sou, car les caisses de l’Etat ne sont pas une corne d’abondance ; d’ailleurs elles sont vides. Désormais il faudra travailler plus, et plus longtemps, pour gagner moins. Il ne faudra plus compter sur la manne de la Sécurité Sociale et autres systèmes de solidarité, mais chacun devra payer pour s’assurer dans le privé, au moyen de ses propres deniers. Pour un peu, il paraphraserait Proudhon en s’exclamant : « La solidarité, c’est le vol ! »

Bien entendu, à l’instar du personnage de Molière, le Tartuffion prend grand soin d’afficher ses austères convictions. Celui-là manifeste bruyamment sa révulsion face aux appâts de la chair (« Couvrez ce sein que je ne saurais voir ! »), celui-ci fait de même devant les dépenses inconsidérées (« J’ai considérablement réduit le train de vie de mon ministère ! »).

Finalement, le Tartuffe est démasqué, son côté libidineux dévoilé à tous. Pour le Tartuffion, c’est son vrai rapport à l’argent qui est révélé. Ses soi-disant économies ne sont que des pirouettes comptables permettant d’imputer à d’autres ministères les dépenses somptuaires du sien. La rigueur qu’il veut imposer aux autres, comme le Tartuffe voulait décréter la chasteté générale, n’est pas le régime qu’il s’applique. L’argent public, dont il prétend être le vétilleux comptable lorsqu’il s’agit de le verser aux fonctionnaires, trop nombreux, trop fainéants, ou aux assistés, insupportables sangsues, il en dispose avec une époustouflante générosité lorsqu’il s’agit de le donner à sa femme et à ses enfants en échange de travaux pour la communauté dont on peine à distinguer l’ampleur ou la simple réalité. En pastichant un peu Molière, il serait possible de lui faire dire :

« Ceux qui me connaîtront n’auront pas la pensée

Que ce soit un effet d’une âme intéressée.

Tout l’argent de la France a pour moi peu d’appas,

De son éclat trompeur je ne m’éblouis pas ;

Et, si je me résous à prendre dans les caisses

Pour que les miens profitent de ma grande largesse,

Ce n’est, à dire vrai, que parce que je crains

Que tout ce bien ne tombe en de méchantes mains ;

Celles des fonctionnaires ou bien des assistés

Qui depuis des années nous ont si bien saignés. »

La langue française est merveilleuse par sa capacité à toujours évoluer, à emprunter, détourner, puiser dans l’actualité. Je milite pour que soit accepté ce nouveau mot, Tartuffion. J’espère qu’il aura autant de succès que Tartuffe. Pourquoi ne pas rêver un peu, et imaginer que les répliques de Tartuffion deviennent à leur tour célèbres ?

« Ah, pour être économe, je n’en suis pas moins homme ;

Et lorsqu’on vient à voir tout l’argent du sénat,

Un cœur se laisse prendre et ne raisonne pas. »

Ou encore :

« Je puis vous dissiper ces craintes ridicules,

Madame, et je sais l’art de lever les scrupules.

La loi défend, de vrai, certains détournements ;

Mais on trouve avec elle des accommodements. »

Je ne doute pas qu’en observant le manège du monde, comme nous pouvions nous exclamer : « voici un Tartuffe », nous ayons souvent l’occasion de dire : « c’est un sacré Tartuffion ».

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22 novembre 2016 2 22 /11 /novembre /2016 12:27

La question est un tantinet provocatrice, mais depuis que François Fillon, chevalier ultra-catho-ultra-libéral à la triste figure, semble porté par un tsunami d’électeurs de droite décidés à changer de paradigme, cette question se pose.

Qui de Marine Le Pen et de François Fillon est le plus à (l’extrême) droite ? Sur les questions « mœurs et société », Marine est incontestablement plus « gay-friendly » que le cul-bénit sarthois, qui vota en 1982 pour que l’homosexualité demeure un délit. Si au FN il y a incontestablement une tripotée de barons qui, eux, verraient bien l’homosexualité qualifiée comme un crime, Marine Le Pen est entourée d’une garde rapprochée (vilipendée par les fidèles du patriarche fondateur Jean-Marie) d’homosexuels qui ne sont probablement pas sur la même longueur d’onde que le très catholique (comme dans l’expression : « la très catholique Inquisition ») François Fillon. Marine Le Pen elle-même ne peut certainement pas être qualifiée d’homophobe. François Fillon, eu égard à ses choix du passé, si.

Dire que « le droit à l’avortement n’est pas un droit fondamental des femmes », je n’ai pas souvenir que Mme Le Pen ait osé. François Fillon, soutien fidèle de la mouvance rétrograde issue de  « la manif pour tous », si.

Passons à l’économie. Le programme du FN est social-national (je ne veux pas être méchant en parlant de national-socialisme). Celui de François Fillon a la subtilité d’une tronçonneuse fabriquée en Grande-Bretagne dans les années 80. Plus de recrutements de fonctionnaires, plus du tout, pendant 5 ans (il faut ça pour en avoir 500 000 de moins). Si on garde à l’esprit que les policiers, les juges, les militaires, les gardiens de prison, et les personnes chargées de toutes sortes de tâches répressives destinées à protéger les citoyens (douaniers, agents des fraudes, vétérinaires inspecteurs) sont des fonctionnaires, on se demande comment l’auteur d’un tel programme peut prétendre apporter plus de sécurité à son pays. Les fonctionnaires vieillissants restés en place bosseront 39 h payées 37, en attendant sans doute d’être fusillés en place publique lorsque l’opinion des Français travaillée par des années de « fonctionnaires bashing » sera mûre. (Petite précision : je ne suis pas fonctionnaire)

Les salariés du privé, eux, passeront à, éventuellement (en fonction des accords trouvés avec les employeurs) à 48 h par semaine (limite légale européenne) ; jusqu’à 65 ans (pour le moment). Inutile de commenter. Pour qu’il reste des jobs à une jeunesse qui souffre déjà d’un chômage à 25%, il faudra une intervention divine. François Fillon croit en Dieu, moi pas.

Pour faire bonne mesure, la TVA montera de deux points, l’ISF disparaitra, les impôts directs baisseront, les allocations familiales ne seront plus plafonnées en fonction des revenus. Ce sera une meilleure répartition des richesses (pour les riches s’entend).

Le délire fillonesque est tellement outrancier que même les économistes patentés des chaînes d’info (pourtant pas des parangons de gauchisme) commencent à rouler des yeux d’un air interloqué.

Il parait que le vainqueur des primaires de la droite affrontera Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, c’est du moins ce qu’annoncent tous les analystes politiques (mais ils se sont tellement planté ces derniers temps que l’espoir d’éviter ce scénario n’est pas mort). François Fillon semble être quasi certain de représenter sa famille politique, celle de la droite (au sens de droite en Espagne dans les années 30) et du centre (non, là je déconne). Donc Fillon-Le Pen.

En ce qui me concerne, j’irai mettre un bulletin blanc dans l’urne s’il fait beau, je resterai chez moi s’il pleut (une première en 37 ans). Quant à ceux qui décideront de choisir, ils pourraient bien réserver des surprises (encore) aux analystes et commentateurs professionnels. Parce qu’à force de dire que pour « redresser » la France, il faut commencer par foutre la tête dans le seau à 90% des gens qui la composent, on s’expose à des surprises.

Une chose est sûre, la France dans laquelle j’ai grandi, celle qui héritait ses valeurs du Conseil National de la Résistance, celle de la laïcité et de la méritocratie républicaine, cette France-là est morte. Sa tombe est déjà creusée, et il fallait bien un sinistre croisement de Margaret Thatcher et de Lech Kaczynski, avec la raideur compassée et la triste figure d’un employé de pompes funèbres, pour la mettre en terre.

 

 

 

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9 novembre 2016 3 09 /11 /novembre /2016 10:22

Voilà, c’est fait. Donald Trump sera le 45ème président des Etats-Unis d’Amérique. Enorme surprise pour certains, ce résultat ne m’étonne pas tellement. J’avais discuté récemment du sujet avec une amie qui séjourne régulièrement aux Etats-Unis et prenait la température auprès des locaux. Le rejet d’Hillary Clinton est tellement fort, y compris parmi des Démocrates convaincus, que l’élection de son adversaire pouvait sérieusement s’envisager. Imaginez en France un deuxième tour de présidentielle entre Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. Malgré tout ce qu’il peut y avoir d’effrayant avec la présidente du Front National, elle aurait ses chances tant le nombre d’électeurs de gauche réticents à voter Sarkozy serait grand, même pour barrer la route à l’extrême droite. Hillary Clinton, c’est un peu le Sarkozy américain ; trop d’électeurs sont restés à la maison. Et puis il y a l’envie de faire « péter le système », même si personne ne comprend en quoi consiste exactement le fameux système.

Maintenant on attend le cataclysme. Sauf que Trump ne fera probablement pas le dixième de ce qu’il a promis. Son premier discours le démontre, dans lequel il s’est davantage employé à féliciter son adversaire qu’à redire qu’il fallait l’envoyer en prison. Et puis ce qui concerne les Américains est leur problème. Qu’ils détruisent le peu de protection sociale mis en place par Obama, qu’ils portent des armes dans tous les lieux publics, qu’ils essaient de « rééduquer » les homosexuels (ça, c’est le dada du colistier de Trump, Mike Pence, un cul-bénit obscurantiste bien plus inquiétant que son matamore de patron) et d’interdire l’avortement, cela n’impactera que la société américaine.

Reste ce qui nous concerne, nous-autres, Européens. Trump prétend se torcher avec les accords de Paris sur le climat. Il envisage de retirer la protection armée des troupes américaines à tous les pays qui ne font pas un effort de défense suffisant. Il trouve Vladimir Poutine éminemment sympathique et n’entend pas l’embêter pour des broutilles (entendez l’annexion de morceaux de pays voisins, par exemple). Peut-être avions-nous besoin de ce genre d’électrochoc. L’Europe s’est toujours comportée comme le « geek » malingre qui essaie de traîner avec le gros baraqué, approuve ses pires conneries (deuxième guerre d’Irak, contre laquelle la France s’est trouvée seule à protester, et a dû payer le prix de son audace), encaisse ses humiliations (procès à répétition contre des entreprises européennes, condamnées par les tribunaux américains à négocier des amendes faramineuses sous peine de se voir fermer le marché outre-Atlantique, système de racket tellement passé dans les mœurs que l’unique contre-attaque visant Google a paru ahurissante aux médias des Etats-Unis), tout ça dans l’espoir que le caïd sera son pote et le protègera si besoin est.

L’Amérique semble sur le point de céder à la tentation isolationniste qu’elle a déjà connue par le passé. Certains pays européens, comme la Pologne, dont le nouveau gouvernement n’en finit pas de cracher au visage de ses voisins (dernier coup d’éclat, l’annulation d’un marché de défense auprès d’Airbus, les dirigeants polonais préférant acheter américain en reniant la parole donnée par leurs prédécesseurs), la Belgique ou l’Autriche, confortablement assoupies à l’abri d’armées financées par d’autres, au budget de Défense si ridicule qu’il servira bientôt à entretenir seulement une poignée de gardes-frontières (mais il n’y a plus de frontières, n’est-ce pas ?), vont peut-être connaître un réveil brutal. Ceux-là comprendront-ils que faire cause commune avec des voisins qui partagent les mêmes problèmes est sans doute plus sûr que de s’en remettre à un lointain parrain au caractère versatile ? Ceux-ci découvriront-ils qu’il faut s’aider soi-même avant d’escompter que le ciel (américain)  vienne (peut-être) à votre secours ?

Espérons que cet électrochoc rappellera à l’Europe qu’elle est un continent riche, qui pourrait être puissant s’il était solidaire. Espérons qu’il nous éclairera sur la nécessité de faire progresser l’intégration européenne, parce qu’il est probable que dans les temps à venir nous ne puissions compter sur personne si certaines menaces se profilaient à l’horizon (par exemple vers la frontière Est de l’Europe). Le jour où le « geek » malingre se rend compte que le grand balaize dont il croyait être le copain n’en a rien à faire de lui, il ne lui reste plus qu’une solution : grandir.    

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26 juillet 2016 2 26 /07 /juillet /2016 07:53

Nous assistons à une accélération du nombre de massacres frappant des hommes, des femmes et des enfants dont le seul tort est de se rassembler pour regarder un feu d’artifice, aller à un concert, prendre un pot dans un bar ou utiliser les transports en commun. A la kalachnikov, à l’explosif, à la hache ou au moyen d’un camion.

Le plus difficile, au milieu de ce maelstrom de violence aveugle, est de parvenir à comprendre les motivations des auteurs de ces atrocités. En France, en Belgique, aux Etats-Unis, en Allemagne, on peine à démêler cet écheveau de maladie mentale, de haine contre la société, de désir morbide de reconnaissance médiatique et de pulsion religieuse. Devant chaque nouvelle horreur, nous nous posons systématiquement les mêmes questions : était-ce l’œuvre d’un fou ? Ou celle d’un « franchisé » de Daech ? L’un n’excluant pas l’autre, d’ailleurs. Même dans le cas des tueurs du Bataclan, manifestement missionnés et téléguidés par l’effroyable « Etat islamique », comment ne pas déceler à travers leurs actes les signes d’une folie meurtrière et suicidaire ?

Lorsqu’arrivent les revendications « officielles » de Daech, ou les résultats d’une enquête établissant la fascination de l’auteur d’un attentat terroriste pour les thèses de cette entité, on est toujours frappé par la similarité des profils et des parcours. Peu de foi, beaucoup de délinquance, de propension à la violence, de difficultés à s’insérer dans la société, de déséquilibre mental. Et puis, un jour, la « révélation ». Certains prennent, littéralement, le chemin de Damas. Comme autrefois on partait pour Saint-Jacques de Compostelle ou pour la terre sainte. Mais la rédemption peut suivre une voie plus rapide ; très rapide. Une barbe qui commence à pousser, un arrêt de l’alcool et du tabac, puis le passage à l’acte. Pour rester dans la comparaison chrétienne et moyenâgeuse, ces tueurs-là ressemblent aux barbares païens convertis en accéléré avant d’aller se jeter sur un champ de bataille. Il est licite de s’interroger sur la profondeur et la réalité de leur foi en l’Islam.

J’ai écouté l’interview d’un sociologue qui nous exhortait à ne pas nous tromper de cible. Je n’ai personnellement aucune sympathie pour les obscurantistes religieux, quels qu’ils soient. Mais je pense que cet homme avait raison en faisant le parallèle entre ces fondamentalistes musulmans qui hérissent de plus en plus les sociétés occidentales, avec leurs principes d’un autre âge, leurs longues barbes et leurs mœurs austères, et une secte comme celle des Amish. Je suis convaincu que sa comparaison est juste. Rigoristes, effroyablement misogynes, ignorant de tout sauf de leurs lois divines, ils ressemblent effectivement aux Amish, ou aux Juifs Loubavitch. Même goût pour la pilosité faciale, mêmes comportements archaïques et pudibonds, même fascination pour un « âge d’or » rêvé comme pur et parfait, même conviction que toute vérité se trouve uniquement dans leurs écritures sacrées. Le point important, c’est que ces salafistes, ces fondamentalistes obsédés par un mode d’existence révolu depuis des siècles, ne sont pas la source du mal qui nous frappe.

Qu’il faille combattre leurs idées parce qu’elles sont incompatibles avec une société moderne et tolérante et une chose, leur attribuer la responsabilité de la folie meurtrière qui endeuille notre pays en est une autre. Les terroristes qui sévissent actuellement ne sont pas les produits de madrassa, ils n’ont pas appris pendant des années les versets du Coran, ils n’ont pas passé leur jeunesse à fréquenter des mosquées. Un tel régime peut incontestablement former des obscurantistes, des misogynes, des homophobes, mais jusqu’à présent il ne semble pas avoir formé, en Occident, des terroristes.

Expliquer l’horreur des attentats par une religiosité musulmane fondamentaliste en expansion est une solution facile, rapide, et qui surtout nous détourne des vraies questions. Tout se passe comme si quelque chose, dans notre monde occidental moderne, générait des pulsions mortifères, un désir malsain de tuer et de mourir, et qu’une organisation, Daech, ait su mettre ce phénomène à profit pour donner un sens, une justification à ces pulsions ; qu’elle ait su se les accaparer, se les attribuer. Les terroristes ne veulent pas générer l’horreur et finir en kamikazes parce qu’ils ont été endoctrinés par l’Islam. Ils se sont soumis à un endoctrinement parfois très rapide parce qu’ils rêvaient de générer l’horreur et de finir en kamikazes. Reste à comprendre comment notre monde produit de tels individus.

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22 janvier 2016 5 22 /01 /janvier /2016 12:32

Emmanuel Macron fut récemment l’invité matinal de Jean-Jacques Bourdin. Une occasion pour le sémillant Ministre de l’Economie d’exposer ses idées qualifiées un peu partout de novatrices, audacieuses, originales, etc, etc… Que cet homme nous soit présenté comme le futur du PS (on n’ose plus dire du Socialisme ou de la gauche, ces mots-là tombent en désuétude) me terrifie. Pas question de lui faire un mauvais procès sur le thème « banquier d’affaires- cuillère d’argent dans la bouche ». Après tout, si quelqu’un renonce à gagner des montagnes de pognon pour faire de la politique, c’est-à-dire, au sens noble du terme, s’occuper du bien commun, on ne peut que l’en féliciter. On ne doit juger un ministre que sur ce qu’il fait et ce qu’il propose. Or, concernant Emmanuel Macron, c’est là que le bât blesse.

La grande libéralisation des lignes de transport par autocars me semble être la première des « macronneries ». Après avoir entendu pendant des années les politiques de tout poil seriner que le transport ferroviaire devait être favorisé car plus écologique et plus sûr, voir mettre en œuvre un plan qui transfère sur les routes un flux de passagers que l’on prétendait garder sur les rails a de quoi énerver. Tout le monde peste contre les poids lourds qui sillonnent la France chargés de marchandises, bousillant le réseau payé par le contribuable, mais au bénéfice d’entreprises sur lesquelles il s’est avéré impossible de prélever des taxes (s’y est-on pris comme il fallait ?). Non seulement les marchandises resteront sur les camions au lieu de passer sur des trains, mais les passagers vont passer des trains aux autocars. Plus de pollution, plus de dangers sur les routes.

Le choix a été fait par Emmanuel Macron de privilégier l’emploi (embauche de chauffeurs de bus) et le pouvoir d’achat (c’est moins cher de faire un trajet en autocar qu’en train, même si on y passe trois fois plus de temps) au détriment de l’écologie et de la sécurité. Les bénéfices (douteux) immédiats, plutôt que la vision à long terme. Pas vraiment une politique de gauche selon moi. Pas vraiment une politique du tout d’ailleurs.

Mais le pire se situe au niveau des propositions. La grande idée de la dérégulation. Elle ne sort pas du crâne d'Emmanuel Macron comme Athéna jaillissant tout armée de celui de Zeus, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire penser. Elle n’a rien d’original ni de novateur. Elle traîne depuis onze ans dans le rapport Cahuc-Kramarz, dont le candidat Sarkozy, en 2007, prétendait qu’il était son livre de chevet. En gros, il faut faire sauter tous les freins à l’emploi. Et sont considérés comme freins à l’emploi les exigences de qualification, voire les diplômes, demandés pour exercer une profession. Au final, on considère que n’importe qui peut faire n’importe quoi. L’ubérisation totale. Face à Jean-Jacques Bourdin, Emmanuel Macron se lâche et donne l’exemple de la restauration. « Vous et moi, Monsieur Bourdin, pouvons ouvrir demain un restaurant ! C’est merveilleux ! Et ça marche ! Pourquoi ne pas étendre cette possibilité à plein d’autres domaines ? Sachant que bien entendu, tout ce qui relève de la santé et la sécurité sera préservé ; on conservera des exigences de formation dans ces domaines. »

C’est ce que j’appelle un tissu de macronneries. D’abord il est faux de dire qu’on peut se lancer comme ça dans la restauration. Il existe (pour le moment) des obligations de formation OU d’expérience suffisante, et c’est heureux. Mais on sent que le fringant Emmanuel serait prêt à faire sauter ces maudits verrous lorsqu’on l’aura informé qu’ils existent. Ensuite penser que la restauration échappe au domaine de la santé et de la sécurité publique révèle des lacunes plutôt graves pour un ministre. Quelques chiffres : 250 000 à 750 000 toxi-infections alimentaires chaque année en France (chiffre probablement très sous-évalué, les Britanniques en déclarant 2 millions, et même si leur bouffe est dégueulasse…), conduisant à 70 000 consultations aux urgences, 15 000 hospitalisations et 400 décès. La manière dont les données sont recueillies et traitées varie d’un pays à l’autre, et les résultats ne sont pas toujours transparents. Nos cousins québécois annoncent néanmoins la restauration comme étant responsable de 60% des toxi-infections alimentaires (40% à domicile). Si on rapporte ce pourcentage à la situation française, et qu’on le pondère généreusement, on peut quand même estimer que les toxi-infections alimentaires en restauration tuent au moins chaque année autant de personnes que les kalachnikovs des terroristes en 2015.

La formation, ça compte, et dans tous les domaines. Les diplômes, c’est important. Les règles, c’est utile. Savoir ce qu’est une salmonelle ou un staphylocoque doré, comment ils se multiplient dans la nourriture et de quelle manière ils peuvent tuer quelqu’un, ça sauve des vies. Les restaurateurs ne sont pas trop formés, ils le sont plutôt insuffisamment. Notre président déclare vouloir former 500 000 chômeurs pour leur faciliter l’accès à l’emploi. Dans le même temps, son ministre de l’Economie déclare que tout irait mieux si on supprimait toutes ces exigences ridicules qui contraignent trop de gens à acquérir un savoir avant d’exercer un métier.

J’ai toujours pensé que le progrès consistait à construire une société avec plus de connaissances et plus d’exigence. J’ai toujours cru que les idées de gauche consistaient à permettre l’accès à ces connaissances au plus grand nombre ; de manière à ce que les métiers les plus qualifiés, les plus exigeants, puissent être exercés par des individus venant de tous les milieux sociaux. Il semble que Monsieur Macron n’a ni la même vision du progrès, ni la même vision de la gauche.

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2 janvier 2016 6 02 /01 /janvier /2016 18:10

Un voyage à travers les Etats-Unis, du Nord-Est au Sud-Ouest. Pas en droite ligne, mais en sinuant de manière à couvrir tout le territoire américain, et toutes les musiques qu’il recèle, ou du moins celles que j’aime. Grâce à 41 titres qui contiennent le nom d’un Etat américain, ou parfois celui d’une ville, vous pourrez écouter du Jazz, du Blues, de la Soul, du Rythm’n Blues, du Folk, du Rock, et une pincée de Rap et de Pop.

Bonne promenade.

http://www.deezer.com/playlist/1528411891

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