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25 janvier 2014 6 25 /01 /janvier /2014 16:06

On est en droit d’imaginer que dans une société démocratique et moderne, nul ne remette en cause le principe suivant : Toute personne majeure, saine d’esprit et non soumise à des contraintes imposées par une condamnation, est libre de disposer de son corps comme elle l’entend.

Pourtant, à travers trois polémiques récentes, il apparait que ce principe est très loin d’être admis par tous. Des politiques se sont exprimés, des manifestants ont défilé, des juges ont délibéré. Chaque fois, il était question d’Eros et Thanatos, l’amour et la mort, ce qui concerne au plus près l’être, l’individu, le corps. Il en ressort que pour une part (bien trop) importante de notre société, le corps et son usage n’appartiennent pas à l’individu, mais que les autres ont un droit de regard sur certaines décisions le concernant. Pour des raisons morales sans doute, religieuses parfois ; en tous cas pour des motivations qui me semblent rétrogrades, archaïques, pour ne pas dire primitives.

Premier acte : la loi sur le mariage pour tous a donné lieu à une réaction assez hallucinante, avec propos d’hommes politiques que l’on aurait pu croire impossibles dans la France du 21ème siècle, défilés de familles au grand complet, bardées de poussettes et de gamins pré-pubères, éructations homophobes d’une incroyable violence de certaines personnes vers qui se tendaient les micros. Il en ressortait que les homosexuels devaient au mieux se contenter de droits concernant le couple aménagés et différents de ceux des hétérosexuels, au pire raser les murs et s’efforcer de dissimuler leur orientation sexuelle (en creusant bien, je dirais même : au pire, se faire soigner ou ne même pas exister) Conclusion, en matière d’amour, nombreux sont ceux qui pensent encore que des individus majeurs ne devraient pas posséder une liberté totale de l’usage de leur corps, puisque si cette liberté est exercée d’une certaine manière, elle est considérée comme, au choix, immorale, contre nature, pathologique ou déviante.  

Deuxième acte : la modification (minime) de la loi sur l’avortement. Là encore, certains politiques ont tenté d’obtenir une régression, et les lobbies « pro-life » se sont fait entendre. Preuve qu’il serait bien naïf de considérer cette avancée vieille de quarante comme définitivement acquise. Si le gouvernement espagnol est tout disposé à revenir en la matière à l’époque du franquisme, pourquoi certains ne rêveraient-ils pas de revenir en France à l’époque du pétainisme (pendant laquelle fut appliquée pour la dernière fois la peine de mort à une femme, coupable de pratiquer des avortements) Là encore, il s’agit de s’opposer à la liberté de disposer de son corps. Dès lors qu’elle est fécondée, l’utérus d’une femme ne lui appartiendrait plus. Là encore, la société, au nom de la morale, de la religion, de la nécessité de procréer, aurait son mot à dire.

Troisième acte : le maintien en vie, par décision de justice, contre l’avis de ses médecins, et contre son propre choix clairement exprimé lorsqu’il était en état de le faire, d’un homme depuis longtemps plongé dans le coma. Dans ce cas également, est refusée à un individu la liberté de disposer de son propre corps. En matière de fin de vie, les forces qui s’opposent à cette liberté me paraissent particulièrement puissantes. Beaucoup de médecins voient dans l’euthanasie une violation de leur serment d’Hippocrate, un problème moral qui les conduit à une épouvantable tartufferie consistant à laisser agoniser celui ou celle qu’ils ne peuvent sauver pour éviter de provoquer eux-mêmes la mort. Mais le premier principe de la médecine est « primum non nocere », d’abord ne pas nuire. Est-il pire manière de nuire à un patient incurable que de lui refuser la fin rapide qu’il aurait lui-même choisie ? Lorsqu’un médecin n’a pas le pouvoir de guérir, ne devrait-il pas offrir une mort, non pas digne (J’ai entendu Luc Ferry se révulser contre le terme « mourir dans la dignité », alors évitons ce mot) mais sans agonie interminable ? La liberté de disposer de son corps ne devrait-elle pas s’étendre à la liberté d’éviter à ce corps une phase pendant laquelle il n’est plus pour l’individu qu’une source de souffrance ? Et puis, bien sûr, il y a le principe religieux, ce terrifiant archaïsme judéo-chrétien encore très présent consistant à croire que seul Dieu doit décider de l’instant de la mort. Que les croyants se l’appliquent à eux-mêmes, et laissent les autres choisir.

Chacun, lorsqu’il en a la possibilité, doit avoir la liberté de disposer de son propre corps pour aimer et pour mourir ainsi qu’il le souhaite.

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