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27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 19:16

Ce qu’il y a de plus marquant chez Jean-Luc Mélenchon, c’est son extraordinaire capacité à désespérer ceux qui (comme moi) ont de la sympathie pour ses efforts à dénoncer l’inquiétante dérive ultralibérale, destructrice de systèmes régulateurs et protecteurs, qui se produit dans notre société. Il ne cesse d’émailler ce combat, à mon sens juste et nécessaire, par d’incessantes outrances qui finissent par le décrédibiliser.

Passons sur les vitupérations dont il accable les media, au minimum risibles venant de quelqu’un qui ne manque pas de micros tendus pour recueillir sa parole. Cela le place sur le même plan que tous ces pourfendeurs de la « pensée unique » (c’est quoi, la pensée unique ?) qui font la une des journaux à longueur de temps en pleurnichant qu’on étouffe leur point de vue original.

Passons sur ses réflexes quasi-pavloviens en matière de politique étrangère qui lui font vouer aux gémonies la moindre initiative en provenance des Etats-Unis, tout en louant celles issues de la Russie ou de la Chine. En l’écoutant j’ai parfois l’impression d’être rejeté quarante ans en arrière et d’entendre un responsable du PCF. On peut certes être extrêmement critique sur la politique étrangère américaine, ce qui n’empêche pas de ne jamais oublier que les Etats-Unis sont une démocratie, tandis que la Russie et la Chine restent des dictatures, qui n’ont plus rien à voir avec le communisme (même si les Chinois ont conservé le mot), et représentent même la quintessence de ce que Jean-Luc Mélenchon se propose de combattre, à savoir des sociétés où les plus forts exercent une domination sans frein sur les plus faibles.

Le dernier combat du leader du Front de Gauche concerne la prochaine publication de « Mein Kampf » par Fayard ; une abomination selon lui. Précisons que l’accès au tristement célèbre pavé d’Adolf Hitler est plutôt aisé pour tous les curieux ou pour tous les néonazis avides de se délecter des pensées de leur grand homme, grâce à la magie des moteurs de recherche. Un bon vieux bouquin papier lourdement lesté de commentaires provenant d’historiens compétents m’apparaît donc plutôt comme un progrès par rapport à la situation actuelle. Tous les délires négationnistes et complotistes se nourrissent d’une ignorance doublée d’une illusion de savoir (savoir pompé dans le puits sans fond de l’internet). Ce qui m’attriste vraiment dans la réaction des leaders du Front de Gauche, c’est de les retrouver dans la peau de ces curés effarés par la Réforme, à l’époque où la naissance de l’imprimerie autorisait l’accès du plus grand nombre aux textes bibliques. On retrouve chez eux cette même crainte que le peuple « comprenne mal », un comble pour des anticléricaux qui se targuent de défendre les « gens ». Pour citer Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de Gauche, « cela ne fera qu’embrouiller l’esprit du lecteur ». On remarquera que cet esprit n’est pas tenu en très haute estime, et si j’étais méchant, j’appellerais ça du mépris de classe. Toujours Alexis Corbière : « Ce nouvel ouvrage fera le bonheur de ceux qui ont le goût de l’interdit et des obsédés de la haine anti-juive, anticommuniste ou anti-Lumières ». J’en conviens aisément, mais ceux-là n’ont guère besoin des éditions Fayard pour se vautrer dans cette boue répugnante, ils ont un accès en ligne à toutes les bauges possibles et imaginables. Ce qui me gêne, c’est la suite du propos : « Pour les autres, il n’y a rien à voir. » Une deuxième fois, si j’étais méchant, j’ajouterais « Circulez ! »

Pour dégouter les humains de la bête immonde, la meilleure stratégie ne serait-elle pas de leur permettre de la voir, plutôt que de leur dire : « Moi, je l’ai regardée, et croyez-moi sur parole, puisque je suis mieux éduqué, mieux armé, mieux préparé, ça n’est vraiment pas beau ! » La connaissance me semble une meilleure arme contre le mal que ne l’est la censure, et à prétendre vouloir préserver les esprits qui « pourraient être embrouillés », on ne fait qu’alimenter les fantasmes.

La récente et invraisemblable sortie de Netanyahou sur la question de l’Holocauste est un bon argument en faveur de la nécessité de la connaissance. Qu’un premier ministre de l’Etat d’Israël ait l’aplomb de dédouaner partiellement Hitler en faisant porter au grand mufti de Jérusalem (certes un antisémite virulent et un admirateur des nazis) la vraie responsabilité de l’extermination des Juifs montre à quel point il est indispensable de dévoiler largement la pensée nazie. Plus la diffusion du savoir sera grande, et moins les révisionnistes, qu’ils veuillent nier la Shoah ou l’utiliser à leur avantage, trouveront d’oreilles complaisantes.

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