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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 12:21

Le nouveau pape possède les vertus de notre époque, de la même façon que Jean-Paul II les possédait. Contrairement au retraité Ratzinger, et à l’instar du défunt Polonais, il est un bon communiquant. Le malheureux Benoît XVI, intellectuel pétri de théologie, se perdait trop dans les méandres sans fin de la pensée catholique, fleuve deux fois millénaire charriant des eaux opaques tout au long d’un trajet sinueux divisé en de multiples branches et nourri d’innombrables affluents. A l’époque de tweeter et des pensées exprimées en trois lignes, Benoît XVI était un moine copiste cherchant une vérité au sein d’un dédale sans fin de textes sur la foi, une bonne manière de noyer ses ouailles dans le fleuve susmentionné.

François est, pour sa part, un puncheur. Un as de la formule choc. Il pourrait, justement, tweeter le fruit de ses réflexions. Par exemple « un bon catholique n’est pas un lapin ». Fort bien. Terminé donc le « croissez et multipliez », célèbre assertion biblique, que l’on oublie en général de citer intégralement en précisant « remplissez la Terre », fin de l’injonction divine. Si l’on considère que la Terre est plus que pleine, qu’elle aurait même tendance à déborder, alors le boulot est achevé, et le lapinisme doit prendre fin. François est donc raccord avec la Bible, c’est le moins qu’on puisse attendre d’un pape. Sauf qu’il ne précise rien en ce qui concerne les moyens de suivre son conseil. C’est le problème avec les tweets, ils sont courts, et ne permettent pas de développer des arguments. Du coup débrouillez-vous avec l’interprétation. Faut-il comprendre que la contraception n’est plus maudite ? (mais là c’est un énorme tabou du catholicisme que le pape voudrait renverser) Irait-il jusqu’à autoriser l’avortement ? (inconcevable) Ou bien les catholiques sont-ils sommés d’adopter une vie monacale ? François décoche des formules avec l’aisance d’un bon communiquant, mais les slogans publicitaires laissent la part belle au rêve et à l’imagination.

Deuxième tweet qui déchire : « Si quelqu’un manque de respect à ma mère, il risque de s’en prendre une ! ». En référence aux blasphémateurs de Charlie Hebdo, qui après avoir été abondamment pleurés avec une compassion chrétienne de bon aloi, se trouvent brutalement remis à leur place de vilains provocateurs mécréants qui ont reçu ce qu’ils méritaient. A nouveau, le pape laisse les croyants dans l’incertitude. Face au blasphème, comment réagir ? S’en tenir aux évangiles ? (Mathieu, 5, 39 : « Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre ») Les évangiles, c’est quand même la source du fleuve précédemment évoqué. L’eau limpide qui jaillit pour désaltérer le croyant. Notez que le Christ ne parle pas de moqueries ou d’injures (lui qui en subit continuellement) mais de coups. En ce qui concerne les insultes, il me semble que les évangiles démontrent que Jésus y répondait par un art consommé de la rhétorique, plaçant toujours ceux qui l’agressaient face à leurs contradictions. Quant à la violence… Matthieu, 26, 52-53 : « Remets ton épée en place ; car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges ? »

Nous voilà donc avec un pape, si j’ose dire, plus royaliste que le roi. Si quelqu’un insulte sa mère (symboliquement sa foi), il pourrait prendre exemple sur celui qui devrait être son modèle et répliquer dans le même registre, voire avec plus de drôlerie (« ta mère, elle est tellement… etc… »). Mais avec François, c’est le bourre-pif qui part. Et si on lui en met un, de bourre-pif ? Et mieux, si on l’arrose à la kalachnikov ? Parce que c’est quand même à ce niveau d’escalade que des gens qui avaient le sentiment d’être insultés en sont arrivés.

Et puis, renversons un peu les rôles. Admettons que vous soyez athée. C’est aussi respectable que d’adhérer à n’importe quelle religion. Admettons que vous soyez profondément choqués par certaines atteintes à vos principes, principes qui ne reposent pas sur des révélations surnaturelles, mais sur, en vrac, les enseignements des penseurs grecs de l’Antiquité, ceux des philosophes des Lumières, et ceux des scientifiques contemporains. Si vous considérez comme une ânerie dangereuse pour l’Humanité le fait d’interdire l’usage du préservatif (SIDA et autres MST + Surpopulation), si vous considérez qu’une telle absurdité est une insulte à la raison (votre mère), que proférer cette connerie urbi et orbi est un blasphème contre l’intelligence, que devez-vous faire ? Mettre un coup de boule au premier curé que vous croisez ? Vandaliser une église ? Ou pire ? Pourtant ce serait justifié selon la logique du pape François. On a insulté votre mère la raison ! Et quand on insulte votre mère, attention, il faut s’attendre à une réplique musclée !

Je saurais infiniment gré à la personne réputée infaillible qui est le berger du troupeau catholique :

  • Premièrement de s’appuyer davantage sur le texte qui est censé constituer le fondement de sa religion, ce qui permettrait à tout le monde, croyants qui le contemplent de l’intérieur de l’institution, et tous les autres qui l’observent de l’extérieur, de mieux comprendre et de mieux accepter ce qu’il déclare (notamment en ce qui concerne l’usage de la violence)
  • Deuxièmement de se mettre à la place, non seulement de ceux qui pratiquent une autre religion que la sienne (ça il le fait plutôt bien), mais surtout de ceux qui n’en pratiquent aucune.

Les athées, cher pape François, s’ils ne croient pas en une vérité révélée, n’en sont pas moins dotés d’une conscience. Ils ont des valeurs qui leurs sont chères, des principes qu’ils essaient de défendre, des convictions qu’ils n’aiment pas voir foulées aux pieds. Personne en France n’agresse les fidèles dans les églises au motif que des billevesées en matière de sexualité sont proférées par l’institution qui les chapeaute. Les excités qui braillent devant les hôpitaux où se pratiquent des avortements ne se font pas molester. Nul libre penseur n’a appelé à répondre à coups de poing aux crimes de lèse-raison que l’Eglise catholique commet depuis si longtemps. Alors faites comme nous. Si on se moque de ce que vous avez de plus cher, argumentez, répondez sur le même registre, et pardonnez à ceux qui ne savent pas ce qu’ils font.

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